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Cinéma :  De Brisseau à Corneau : les affaires du #MeToo français depuis 2001

Si le mouvement #MeToo, la libération de la parole de femmes victimes de viols et d’agressions sexuelles, a émergé aux USA à partir de 2006, un premier procès a touché le cinéma français dès 2005. Il visait le réalisateur Jean-Claude Brisseau, aujourd’hui décédé. Depuis, plusieurs personnalités du 7e art français sont accusées d’avoir abusé de jeunes actrices.

En mai 2023, le spectacle hommage à la chanteuse Barbara de Gérard Depardieu a suscité de nombreuses réactions, notamment de militantes féministes.

En mai 2023, le spectacle hommage à la chanteuse Barbara de Gérard Depardieu a suscité de nombreuses réactions, notamment de militantes féministes. 

Depuis plusieurs semaines, des personnalités du cinéma français sont accusées de viols et d’agressions sexuelles sur des actrices mineures. Des faits commis pour certains voici plusieurs décennies, tels ceux reprochés aux réalisateurs Benoît Jacquot et Jacques Doillon par la comédienne Judith Godrèche, qui ne feront pas tous l’objet de poursuites judiciaires.
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Même chose pour les récentes révélations de Sarah Grappin à l’encontre du réalisateur Alain Corneau, aujourd’hui décédé. En revanche le Parquet de Paris vient de demander la tenue d’un procès pour juger le réalisateur Christophe Ruggia, que la comédienne Adèle Haenel accuse depuis 2019, d’avoir exercé sur elle une emprise de ses 12 à ses 15 ans. Avant ces révélations, un premier procès avait brisé l’omerta : celui de Jean-Claude Brisseau.

Le réalisateur français Jean-Claude Brisseau, décédé en 2019, a été condamné en 2005 pour harcèlement sexuel.

Jean-Claude Brisseau, bien avant #MeToo

En 2001, deux actrices déposent plaintes : elles reprochent au cinéaste Jean-Claude Brisseau (De bruit et de fureur, Que le diable nous emporte), alors âgé de 61 ans, des faits de harcèlement sexuel, relatifs notamment à des scènes imposées de masturbation. Suivent en 2003, deux plaintes de comédiennes pour agressions sexuelles. Au total, une vingtaine d’actrices (dont Marion Cotillard) témoigneront quant aux exigences du réalisateur. Lors du tournage de Noce blanche, Vanessa Paradis, 15 ans à l’époque, avait réclamé que sa mère soit présente en permanence à ses côtés, à la suite de ce qu’elle décrira comme un « incident ».

En 2005, Jean-Claude Brisseau est condamné à un an de prison avec sursis et 15 000 € de dommages et intérêts pour harcèlement sexuel, puis en 2006, en appel, à verser 5 000 € à l’une des plaignantes qui l’accusait d’agression sexuelle. La justice a estimé qu’il avait cherché à satisfaire « ses pulsions sexuelles » en imposant des essais érotiques aux actrices.

Benoît Jacquot fait l’objet d’une plainte déposée par Judith Godrèche, avec laquelle le réalisateur a vécu pendant six ans.

Benoît Jacquot et Jacques Douillon accusés par Judith Godrèche

C’est après voir lu le livre Le consentement dans lequel Vanessa Springora raconte sa relation sous emprise, à partir de ses 14 ans, avec l’écrivain Gabriel Matzneff, que Judith Godrèche dit avoir voulu, elle aussi, raconter, trente ans après les faits, son histoire avec le réalisateur Benoît Jacquot (Journal d’une femme de chambre, Les adieux à la reine, etc.). Elle avait 14 ans, il en avait 39. Aujourd’hui, elle parle de sévices que le cinéaste, aujourd’hui âgé de 77 ans, réfute.

Judith Godrèche a également affirmé que lorsqu’elle avait 15 ans, le réalisateur Jacques Doillon (Ponette, Rodin) aurait également abusé d’elle sexuellement. Les accusations de viol et agression sexuelle en 2000 et 2011, de deux autres actrices (Isild Le Besco et Anna Mouglalis) visent également Jacques Doillon. Autant d’allégations que le cinéaste, qui aura bientôt 80 ans, nie.

En ce début février 2024, Judith Godrèche a porté plainte contre les deux réalisateurs. Une enquête est désormais ouverte pour des viols sur mineur potentiellement prescrits : le délai de prescription dans ce cas particulier est de 30 ans après la majorité de la victime.

Dans ses révélations, Judith Godrèche accuse le cinéaste Jacques Doillon d’avoir abusé d’elle lorsqu’elle avait 15 ans.

Alain Corneau, lui aussi

Des révélations d’une actrice visent Alain Corneau, aujourd’hui décédé.

Dernières révélations en date, le 14 février 2024, celles de Sarah Grappin, concernant le comportement d’Alain Corneau (Césarisé pour Tous les matins du monde). L’actrice relate sa relation d’un an et demi sous emprise avec le réalisateur, en 1994 alors qu’elle tournait avec lui Le Nouveau monde : elle avait 15 ans, lui 52. Alain Corneau est aujourd’hui décédé : des poursuites judiciaires ne pourront pas être engagées.

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Christophe Ruggia sera jugé

Nouvelle étape dans la procédure opposant Adèle Haenel à Christophe Ruggia : le parquet de Paris a requis jeudi 8 février 2024 un procès contre le réalisateur (le premier à l’avoir fait tourner dans Les Diables), pour agressions sexuelles aggravées sur l’actrice de ses 12 à 15 ans ; Adèle Haenel avait dénoncé en 2019, dans Mediapart, un « harcèlement sexuel permanent » et des « attouchements » répétés entre 2001 et 2004.

Christophe Ruggia, qui a 24 ans de plus que l’actrice, avait été mis en examen en janvier 2020 pour « agressions sexuelles sur mineur de 15 ans par personne ayant autorité sur la victime » et placé sous contrôle judiciaire. S’il dément les accusations, le réalisateur reconnaît cependant avoir exercé « une emprise » sur l’adolescente. On se souvient que lors de la 45e cérémonie des César 2020, Adèle Haenel avait quitté la salle à l’annonce du César de la meilleure réalisation attribué à Roman Polanski visé par plusieurs plaintes et accusations d’abus sexuels.

Et où en sont les enquêtes visant Gérard Depardieu ?

En décembre 2023, Gérard Depardieu a été mis en examen pour viols et agressions sexuelles après la plainte de la comédienne Charlotte Arnould.

Si une première plainte pour agression sexuelle (celle d’Hélène Darras, figurante en 2007 sur le film Disco) vient d’être classée sans suite, en janvier 2024, en raison de la prescription des faits, Gérard Depardieu fait toujours l’objet d’une information judiciaire au tribunal de Paris.

En décembre 2020, il a été mis en examen pour viols et agressions sexuelles, après la plainte de la comédienne Charlotte Arnould qui accuse l’acteur de l’avoir violée en 2018. Une journaliste espagnole et écrivaine l’accuse également d’avoir abusé d’elle en 1995. Selon une enquête de Mediapart, treize autres femmes lui reprochent des violences sexuelles. Enfin, le Courrier de l’Ouest a dévoilé une nouvelle accusation ce jeudi 15 février : une ancienne assistante dénonce des attouchements et propos obscènes sur un tournage qui a eu lieu en 2014, près d’Angers (Maine-et-Loire).

 Nathalie LECORNU-BAERT à suivre sur Ouest-France

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