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« Voyage au pays de la dark information » : un monde en marge, mais puissant….

Antoine Bayet explore dans son ouvrage la galaxie de l’info alternative, qui utilise les réseaux sociaux comme moyen de communication et prend de plus en plus d’importance.

« Voyage au pays de la dark information » d’Antoine Bayet, Robert Laffont, 288 p., 18,90 euros.

Qui connaît Serge Petitdemange ou Ugo Gil Jimenez, alias Papacito ? ou bien Khadra, Erik Tegnér, Hugues Rondeau, Martine Wonner, Xavier Azalbert, Martial Bild, etc. La galerie de portraits de ces personnes en rupture de ban – antivax, complotistes, extrémistes – donne le tournis. Ils font partie des visages français et contemporains de la « dark information », celle qui ne passe pas par les canaux traditionnels de la presse écrite, radio et télévision ou désormais de leur version numérique, mais qui utilise les réseaux sociaux comme moyen de communication, grâce pour l’essentiel à des groupes créés sur Facebook, des vidéos diffusées sur YouTube et Odysee et des boucles de sympathisants sur WhatsApp et Telegram.

Autant dire que pour les tenants de la presse « mainstream », il s’agit d’une plongée dans une véritable cour des Miracles, sans François Villon ! Or, un des grands mérites d’Antoine Bayet, spécialiste de l’information numérique et de ses usages, est d’avoir interviewé sans condescendance ces chefs de file de l’information alternative, à l’exception notable du rédacteur en chef de la chaîne RT (ex-Russia Today), Jérôme Bonnet, qui a décliné toutes ses propositions d’entretien. Une question a aussi servi de fil d’Ariane à l’auteur, tout au long de son enquête : comment aujourd’hui s’informent les décrocheurs ? En clair, toutes les personnes qui se méfient de l’information qui vient d’en haut.

Le phénomène est désormais planétaire. En 2016, deux temps forts ont été précurseurs : l’utilisation massive des réseaux sociaux par les promoteurs du « Leave », pendant la campagne référendaire sur le Brexit au Royaume-Uni, puis par les partisans de Donald Trump, lors de la campagne présidentielle américaine. Avec, à chaque fois, un succès à la clé.

« Une tendance de fond »

A partir de 2020, l’épidémie de coronavirus, devenue mondiale en trois mois, a aussi créé un effet de bulle et l’expression popularisée par l’écrivain et sociologue Marshall McLuhan en 1967, « le village global », est enfin devenue une réalité. Jamais un professeur marseillais comme Didier Raoult, réputé comme microbiologiste, n’aurait connu une popularité qui a pulvérisé les frontières de l’Hexagone sans sa chaîne YouTube, où il a vanté les mérites de l’hydroxychloroquine, obligeant même le chef de l’Etat français à composer avec le médecin.

En France, la cote d’alerte a aussi été franchie avec la diffusion, en novembre 2020, du film-entretien Hold-up. Retour sur un chaos, de Pierre Barnérias, qui a été vu par près de 5 millions de Français depuis son lancement. Grâce à des outils numériques comme CrowdTangle, l’auteur a pu établir par exemple que sur 100 publications sur Facebook, 36 sont issues de la « dark info », soit un tiers, et que celles-ci ont généré plus 13 millions de partages, ce qui est considérable.

Dans ces conditions, « la “dark info” n’est pas un phénomène de surface, mais bien une tendance de fond », avertit Antoine Bayet. Une réalité qu’il faut regarder en face et battre en brèche.

« Voyage au pays de la dark information », d’Antoine Bayet, Robert Laffont, 288 p., 18,90 euros.

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