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Biodiversité : 68% des animaux vertébrés ont disparu, mais ce n’est que la partie visible de l’iceberg

Plus de deux tiers des populations d’animaux vertébrés ont disparu en moins de 50 ans, selon le dernier rapport de WWF sur la biodiversité. Un chiffre d’autant plus inquiétant que les invertébrés et les végétaux sont eux aussi menacés.

Un fourmilier dans la forêt amazonienne, au Brésil. L'Amérique du Sud est le continent où les populations vertébrées ont le plus diminué.

Un fourmilier dans la forêt amazonienne, au Brésil. L’Amérique du Sud est le continent où les populations vertébrées ont le plus diminué.

Actualisé tous les deux ans, le chiffre apparaît à chaque fois un peu plus inquiétant. Jeudi, le Fonds mondial pour la nature (WWF) a dévoilé son « Indice Planète Vivante ». Selon l’ONG, entre 1970 et 2016, les populations d’animaux vertébrés ont diminué de 68%. Un déclin qui semble inexorable. En 2014, cette estimation était de 52%. Elle a grimpé à 58% en 2016 puis à 60% en 2018. En moins de 50 ans, plus de deux tiers des mammifères, oiseaux, amphibiens, reptiles et poissons ont donc disparu.

L’Amérique du Sud est la région la plus touchée

Mesuré par la Société zoologique de Londres, cet indice se fonde sur le suivi de près de 21.000 populations d’animaux sauvages, représentant 4.392 espèces. La région Amérique latine et Caraïbes est la plus touchée, avec une chute de 94% des populations vertébrées, le plus fort déclin régional jamais observé par l’ONG.

De tous les milieux naturels, la biodiversité d’eau douce est la plus affectée : les populations de vertébrés y ont diminué de 84% depuis 1970. Ce sont les animaux de grande taille, comme les loutres, les castors et les esturgeons, qui sont les plus vulnérables. Cette « mégafaune » est victime de la surexploitation des ressources.

Les invertébrés sont aussi touchés

Mais cette érosion n’est que la partie visible de l’iceberg. D’autres animaux, moins familiers, sont aussi en danger critique. L’indice établi par WWF, en effet, ne se fonde que sur les vertébrés, historiquement mieux suivis par les scientifiques. Or, d’après l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), les vertébrés ne représentent que 5% des espèces animales connues.

Qu’en est-il des papillons, abeilles et autres insectes? Des araignées et lombrics? Des mollusques comme les escargots et les pieuvres? Des coraux? Le rapport apporte des éléments de réponse. Concernant les insectes, prédominants, « les programmes de suivis et les études sur le long terme en Europe occidentale et en Amérique du Nord, révèlent une diminution rapide, récente et continue du nombre d’insectes, de leur répartition ou de leur poids global », souligne l’ONG. Et de citer une étude parue dans Science en avril dernier, qui avance une perte mondiale de 8,8% par décennie du nombre d’insectes dans le monde depuis 1925. Les espèces les plus rares sont en déclin tandis que les insectes les plus communs stabilisent leurs effectifs.

Une espèce végétale sur cinq est menacée d’extinction

Le rapport se penche aussi sur le cas de la biodiversité végétale et le constat est encore moins reluisant. « Le nombre d’extinctions de plantes terrestres documentées est deux fois plus élevé que pour les mammifères, les oiseaux et les amphibiens réunis », indique le texte. En valeur absolue, ces disparitions peuvent sembler peu importantes, au regard des quelque 340.000 espèces végétales connues.

En fait, explique le rapport, les données sont très incomplètes mais les tendances fournissent une bonne indication : une espèce végétale sur cinq est menacée d’extinction, en particulier sous les tropiques. Chez les plantes, le risque d’extinction est « comparable à celui des mammifères et est plus élevé que celui des oiseaux », poursuit le rapport.

Les régions complètement sauvages se raréfient

D’autres indicateurs traduisent la même évolution. Comme l’indice « Habitat des espèces », qui mesure les pertes de surfaces disponibles pour les animaux et a baissé de 2% entre 2000 et 2018. Ou la liste rouge de l’UICN, qui indique que 41% des amphibiens, 33% des coraux, 30% des requins et raies, 26% des mammifères et 14% des oiseaux parmi les espèces étudiées sont menacées.

Autre donnée à retenir : 58% des terres, ajoute le rapport, sont considérées comme soumises à une « intense pression humaine ». Les régions sauvages, préservées de l’empreinte humaine, représentent 25% de la surface terrestre non gelée, essentiellement en Russie, au Canada, au Brésil et en Australie. Et depuis 2000, 1,9 million de kilomètres carrés de ces terres sauvages a été perdue. Une superficie équivalente à celle du Mexique.

Le réchauffement climatique va alimenter ce cercle vicieux

Cette érosion a aussi des conséquences pour la vie humaine. Insectes et oiseaux pollinisent et dispersent les semences, les forêts puisent du carbone, la biodiversité des sols fertilise la terre… La biodiversité, explique le rapport; « joue un rôle primordial en nous procurant nourriture, fibres, eau, énergie, médicaments et autres matériels génétiques ».

Pour le moment, le changement climatique joue un rôle limité. Derrière cette érosion de la biodiversité se cache surtout la main de l’homme : le changement des habitats (déforestation, conversion de zones sauvages en terres agricoles…), la surexploitation des espèces, les espèces invasives ou encore la pollution sont les principales responsables. Mais dans les années à venir, le réchauffement de la planète va de plus en plus alimenter ce cercle vicieux. Dans les océans par exemple, l’augmentation des gaz à effet de serre va hausser la température de l’eau, acidifier les océans ou encore modifier les courants océaniques. Autant de bouleversements face auxquels les espèces marines vont devoir s’adapter, sous peine de disparaître.

Pour WWF, il n’est pas trop tard pour enrayer cette tendance. L’ONG est partie prenante de l’étude « Bending the Curve » (« Redressons la courbe »), qui rassemble 40 universités, organisations de conservation et ONG. Publié jeudi dans Nature, ce travail envisage plusieurs scénarios. Le plus ambitieux, capable selon les auteurs d’inverser le déclin de la biodiversité d’ici à 2050, combine des efforts de protection et de reconstitution des milieux naturels (en augmentant l’étendue des zones protégées par exemple), un changement de consommation (avec un régime alimentaire plus végétal) et une production – agricole notamment – plus durable.

Aude Le Gentil

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