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Droits civiques, droit de grève… Ces quatre moments où la désobéissance civile a fait changer la loi.

Alors que des manifestants s’opposent à la construction d’une mégabassine à Saint-Soline, dans les Deux-Sèvres, le ministre de l’Intérieur a dénoncé une forme d’« écoterrorisme (?) ». Pourtant dans le passé, de nombreux actes de désobéissance civile ont abouti à la création de nouveaux droits.

Martin Luther King, le 28 août 1963, lors de la marche sur Washington pour l’emploi et la liberté.

Une action illégale peut-elle être légitime ? Presque philosophique, cette question refait surface ces derniers jours à l’occasion de la mobilisation de militants écologistes contre le projet de mégabassine à Sainte-Soline.

Alors que des tensions ont éclaté dans cette commune des Deux-Sèvres, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a dénoncé une forme d’« écoterrorisme ». À l’inverse, des activistes comme Camille Étienne rappellent la nécessité d’un « flanc radical » pour faire changer les choses.

Ces dernières semaines, des protestations, comme les actions menées dans les musées, se sont multipliées face à l’inaction climatique et relancent le débat sur les moyens d’action.

Par le passé, la désobéissance civile a souvent été un outil de militantisme. Voici quatre exemples dans lesquels elle a abouti à la naissance de nouveaux droits.

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« Si vous pouvez voter aujourd’hui c’est parce que des femmes avant vous ont désobéi », @CamilleEtienne_, activiste La suite :  bit.ly/CCeSoir  en podcast

1. De la révolte des canuts au droit de grève

En 1831 à Lyon, des ouvriers du secteur de la soie, dits les canuts, décident de protester contre leurs conditions de travail. Bien que la loi l’interdise alors, ils se réunissent en association pour demander un tarif minimum. Pour obtenir gain de cause, ils cessent leur activité et vont jusqu’à s’emparer de l’Hôtel de Ville de Lyon. Les affrontements avec les forces de l’ordre font plusieurs centaines de victimes.

Le mouvement est réprimé mais il est aujourd’hui considéré comme précurseur puisqu’en 1864 le délit de grève est aboli. En 1884, les syndicats sont autorisés et la Confédération générale du travail (CGT) est créée en 1895.

Puis en 1906 de grandes grèves permettent d’obtenir la journée de repos hebdomadaire et en 1936, c’est la semaine de 40 heures qui est arrachée. Depuis 1946, la grève est reconnue comme un droit à valeur constitutionnelle.

2. Les « suffragettes » et le droit de vote des femmes

Retour au début du XXe siècle au Royaume-Uni. À l’époque, les femmes ne peuvent pas voter malgré l’action pacifique menée depuis quelques années par plusieurs militantes. En 1903, Emmeline Pankhurst et ses filles décident alors de fonder la Women’s Social and Political Union. Avec son slogan, « des actions, pas des mots », elle prône la provocation.

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Les militantes manifestent, interrompent des réunions publiques, s’enchaînent aux grilles du Parlement, brisent des vitrines, incendient des propriétés ou encore attaquent un tableau à la hache. Des actions qui engendrent de nombreuses critiques, y compris parmi les mouvements féministes, et qui conduisent à l’arrestation de nombreuses membres de la WSPU voire à des actions violentes contre celles-ci.

« Nous sommes ici non pas parce que nous avons violé la loi ; nous sommes ici de par notre volonté de faire la loi », se défend Emmeline Pankhurst durant son procès en 1908. Les actions de celles qu’on surnomme avec condescendance les « suffragettes » portent d’ailleurs leurs fruits puisqu’elles attisent l’attention des médias et du public.

Finalement, en 1918, le Parlement britannique vote en faveur du droit de vote des femmes à partir de 30 ans. Dix ans plus tard, les conditions seront alignées sur celles des hommes et les femmes pourront voter dès 21 ans. En France, il faudra attendre 1944 pour que les femmes bénéficient du même droit.

3. Le mouvement des droits civiques aux États-Unis

Si l’esclavage a été aboli aux États-Unis en 1865, de nombreuses inégalités persistent au XXe siècle pour les populations noires, notamment dans les États du sud du pays. Face à cette ségrégation qui s’applique aussi bien à l’école que dans les transports, plusieurs figurent émergent dans les années 1950.

L’un d’entre elles est Rosa Parks. Le 1er décembre 1955 à Montgomery, elle refuse de céder son siège dans le bus à un passager blanc. Arrêtée par la police, elle reçoit le soutien du pasteur Martin Luther King qui appelle au boycott des bus de la ville. La mobilisation dure 382 jours et se conclut par un arrêt de la Cour suprême des États-Unis qui déclare illégale la ségrégation dans les autobus, restaurants, écoles et autres lieux publics.

Fort de cette victoire, Martin Luther King maintient la pression et lance un mouvement de désobéissance civile non-violente. « Chacun a la responsabilité morale de désobéir aux lois injustes », lance le pasteur.

En 1964, le président américain Lyndon B. Johnson fait voter le Civil Rights Act pour mettre fin à toutes les ségrégations puis, en 1965, le Voting Rights Act qui interdit les discriminations raciales dans l’exercice du droit de vote. Martin Luther King est assassiné en 1968.

4. L’émergence des droits LGBT

Dans la lignée du mouvement des droits civiques aux États-Unis, une autre revendication va émerger lors de la seconde moitié du XXe siècle avec l’émergence du mouvement LGBT. En 1969, des émeutes éclatent à Stonewall, dans l’État de New York pour protester contre la répression policière dont sont victimes les homosexuels, les bisexuels et les transgenres. Dans la foulée, est lancée la première marche des fiertés.

Ce mouvement trouve un écho en Europe, où des organisations militantes voient le jour au Royaume-Uni, en Allemagne mais aussi en France avec le Front homosexuel d’action révolutionnaire (FHAR) créé en 1971.

Ce dernier prône un discours virulent contre l’État qu’il juge « bourgeois et hétéropatriarcal ». « Vous dites que la société doit intégrer les homosexuels, moi je dis que les homosexuels doivent désintégrer la société », provoque Françoise d’Eaubonne, cofondatrice du mouvement. Parmi les actions concrètes menées par le groupe, l’interruption d’une émission de RTL qui évoque l’homosexualité comme un « douloureux problème ».

Si l’homosexualité est dépénalisée en 1982 en France, les revendications évoluent. Alors que le sida émerge à la fin des années 1980 et touche de plein fouet la communauté LGBT, Act Up est lancé en France. À travers des actions coups de poing, l’association réclame une meilleure prise en charge des malades. Elle milite également pour de nouveaux droits, comme en 2005 lorsqu’elle organise un faux mariage homosexuel dans la cathédrale Notre-Dame de Paris.

Cette revendication trouve aussi un écho politique puisqu’en 2004, le maire écologiste de Bègles (Gironde), Noël Mamère, célèbre un mariage homosexuel alors que la loi ne le permet pas.

Alexis BOISSELIER sur Ouest-France

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