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Mort de Anne Sylvestre

Le catalogue de l’interprète, décédée ce lundi 30 novembre regorge de chansons sur les femmes, écrites et produites par elle.
Anne Sylvestre, ici au tournant des années 1970, a toujours été féministe.

 La voix des “Fabulettes” n’est plus. Ce lundi 30 novembre, l’interprète française Anne Sylvestre s’est éteinte. Connue du paysage musical depuis les années 1950, cette dernière est décédée des suites d’un AVC, a indiqué son attaché de presse historique Sébastien d’Assigny, ce mardi 1er décembre.

Chanteuse de variété, Anne-Marie Beugras, de son vrai nom, est bien connue des parents, mais aussi des enfants. En cause, les 18 volumes de chansons pour les petits qu’elle a écrites au cours de sa vie, comme “La petite Josette” ou “La chanson de l’ortie”, et dont les ventes se comptent en millions.

Un répertoire dense et riche qu’elle n’a jamais renié, mais auquel on l’a trop souvent identifiée, selon elle. “On a dit: ‘quand Anne Sylvestre a eu moins de succès, elle s’est reclassée dans la chanson pour enfants.’ Faux. Ce sont deux répertoires distincts, deux activités parallèles. J’ai commencé à chanter en 1957 et dès 1961, je me suis mise à écrire des chansons pour les enfants, par plaisir et pour ma fille”, a-t-elle expliqué  avant sa disparition.

“Les gens qui doutent”, “Une sorcière comme les autres”, “Thérèse”, “Lazare et Cécile”, … L’autrice-compositrice compte dans sa discographie un large panel de titres pour adultes, comme en témoignent ses 24 albums et les 3.000 spectacles qu’elle a pu donner.

“Je suis féministe et je l’ai toujours été”

Quand, en 1963, Philips l’invite à enregistrer un 45-tours, elle accepte. “Je savais ce qui est au centre des préoccupations quotidiennes des enfants, le rôle du vélo, des nouilles… Avec les ‘Fabulettes’, j’ai pu les structurer, leur donner le goût de la liberté, du plaisir de chanter”, racontait-elle dans les pages du quotidien.

Des disques, d’accord. Des concerts, non. Hormis la pièce de théâtre musical “Lala et le cirque du vent”, en 1993, Anne Sylvestre s’est toujours refusée à chanter sur scène ses titres pour enfants. Jamais tout en haut de l’affiche, elle a toujours préféré incarner une chanson à texte, intelligente, faisant fi des modes. “Je suis féministe et je l’ai toujours été”, soufflait-elle en 2018, au micro de France Musique.

Sans agent ni maison de disque au tournant des années 1970, après avoir quitté Philips et les Disques Meys, la chanteuse fonde son propre label chez Barclay, puis signe chez EPM. Production Anne Sylvestre est un succès. Elle se produit au théâtre et s’attelle à l’écriture de textes personnels, comme “Me v’là”.

Ses chansons pour adultes, de Porteuse d’eau (1959) à Pour aller retrouver ma source (2000), évoquent souvent la terre, la nature, l’eau, le vent. Ses chansons évoquent aussi ses racines bourguignonnes : Mon grand-père Louis (1967), La Romanée Conti (1973).

Anne Sylvestre se revendique féministe. Elle chante les femmes dans des chansons où l’humour prévaut, comme La Faute à Ève, Mon mystère (1978) ou La Vaisselle (1981), des chansons tendres, comme Une sorcière comme les autres (1975) ou Ronde Madeleine (1978) et des chansons plus dures, comme Rose (1981). Elle chante aussi les hommes avec leurs « mauvais côtés » fanfarons, hâbleurs et parfois infidèles comme dans Petit Bonhomme (1977) ou avec tendresse comme dans Que vous êtes beaux (1986).

Chanteuse engagée, mais qui a toujours refusé cet adjectif à son propos – elle dénonce cette étiquette dans sa chanson Chanson dégagée –, elle signe de nombreux textes en s’impliquant, comme elle s’en explique dans Si je ne parle pas, 1981. Elle aborde dans ses chansons de nombreux thèmes de société tels le viol (Douce Maison, 1978), l’avortement (Non, tu n’as pas de nom, 1973), la misère et les sans-abris (Pas difficile, 1986) ou l’actualité (Un Bateau mais demain en 1978, Roméo et Judith en 1994 et Berceuse de Bagdad en 2003). Elle aborde également à plusieurs reprises le thème de l’homosexualité et des préjugés qui lui sont liés, notamment dans la chanson Xavier, et s’engage en faveur du mariage homosexuel dans sa chanson Gay marions-nous.

La charge mentale, la sororité, l’avortement

Ses chansons évoquent les femmes. “Depuis des siècles, la plupart [d’entre elles] étaient écrites par des hommes. Ce qui fait que ça a donné tout un nombre de chansons toujours sur les mêmes sujets. Ça manquait de chansons auxquelles les femmes et les filles pouvaient s’identifier. Il y avait une espèce d’urgence”, se souvient-elle à l’antenne. Elle est l’une des premières sur le créneau, aux côtés de Nicole Louvier ou d’Hélène Martin.

“Des fleurs pour Gabrielle”, en 1971, marque déjà un premier tournant. Son disque “J’ai de bonnes nouvelles”, qu’elle produit en 1978, aussi. Les thèmes qu’elle aborde avec humour dans l’album, comme la charge mentale dans “Clémence en vacances” ou l’esprit de sororité qui émane de “Petit bonhomme”, résonnent encore.

En 1974, c’est un autre sujet, celui de l’avortement qui l’anime. Le “manifeste des 343 salopes” paru dans L’Obs, puis le procès d’une jeune fille défendue par Gisele Halimi l’inspirent. Elle signe “Non, tu n’as pas de nom”, un titre fort pour défendre le droit de toutes les femmes à disposer de leur corps. Libre à chacune d’avoir un enfant, ou non, soutenait-elle. Ce mardi 1er décembre, les “Merci pour vos mots” ont envahi les réseaux sociaux.

« Frangines », « Les gens qui doutent », « Une sorcière comme les autres » : hommage à Anne Sylvestre en six chansons engagées

Dans ses chansons, Anne Sylvestre, rebelle à l’intolérance, défendait les femmes, les opprimés, les discrets, tous ceux qui ne rentraient pas dans le moule. Alors qu’elle vient de disparaitre à l’âge de 86 ans, retour sur six de ses textes emblématiques, parmi tant d’autres.

Paul Breynat

chateauravel@gmail.com

A MCD tous nos articles sont signés et sourcés

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