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GOUVERNANCE D’ENTREPRISE : Le Président de Rio Tinto saute après le dynamitage d’un site aborigène vieux de 46 000 ans

Après le directeur général l’année dernière, c’est au tour du président de Rio Tinto, Simon Thompson, d’être débarqué. Depuis mai dernier, la tempête fait rage sur le géant minier qui a détruit un site aborigène vieux de 46 000 ans. Et les très bons résultats financiers n’y font rien. Les aborigènes et certains investisseurs demandent des comptes face à cette erreur historique qui a fait voler en éclat la grotte de Juukan Gorge d’une valeur archéologique inestimable.

Rio tinto destruction site aborigene
En étendant une mine de fer dans la région de Pilbara en Australie, Rio Tinto a détruit un site aborigène à haute valeur historique et culturelle.
Puutu Kunti Kurrama et Pinikura Aboriginal Corporation

C’est un signe que le monde change. Le président de Rio Tinto, Simon Thompson, a annoncé le 3 mars sa démission du groupe à la suite du dynamitage en mai dernier d’un site archéologique aborigène vieux de 46 000 ans. L’objectif était d’étendre une mine de fer du groupe et de mettre à jour un gisement d’une valeur de 135 millions de dollars. Or ce site abritait des grottes ancestrales construites par les premiers humains d’Australie. La décision de Simon Thompson est d’autant plus symbolique que le groupe affiche son meilleur bénéfice annuel depuis 2011.

« Je suis fier des réalisations de Rio Tinto en 2020, y compris notre réponse exceptionnelle à la pandémie COVID-19, une deuxième année consécutive sans décès, des progrès significatifs dans notre stratégie de lutte contre le changement climatique et de solides rendements pour les actionnaires », a déclaré Simon Thompson. « Cependant, ces succès ont été éclipsés par la destruction des grottes de Juukan Gorge lors des opérations de Brockman 4 en Australie et, en tant que président, je suis en fin de compte responsable des manquements qui ont conduit à cet événement tragique », a-t-il estimé.

Des sanctions trop faibles 

La démission du président n’est que la dernière occurrence d’une série d’ondes de choc survenue depuis la destruction de la grotte. Depuis le dynamitage du site, le groupe cherche à punir les coupables de cette erreur historique. Et les sanctions sont allées crescendo. En août, le conseil d’administration de Rio Tinto avait ainsi décidé de supprimer les bonus de trois hauts dirigeants. Exit les quatre millions de dollars de bonus pour Jean-Sébastien Jacques, directeur général du groupe, Chris Salisbury, directeur général en charge de l’activité minerais de fer et Simone Niven, responsable de la communication. Mais cette réaction paraissait bien légère d’abord pour les peuples Puutu Kunti Kurrama et Pinikura (PKKP) pour qui le site est considéré comme sacré, mais aussi pour certains investisseurs.

Louise Davidson, la directrice générale de l’ACSI, l’association des fonds de pension australiens (Australian Council of Superannuation Investors) regrettait ainsi qu’un tiers indépendant n’ait pas été intégré dans les processus de décisions. Cela aurait permis aux investisseurs d’être plus certains de la bonne proportionnalité des sanctions. Et Louise Davidson avait vu juste. Car un mois plus tard, face à la pression, le directeur général de Rio Tinto était poussé à la sortie. Et avec lui, Chris Salisbury et Simone Niven.

La pression des investisseurs

Si cette décision avait été saluée par les investisseurs et les aborigènes, le groupe n’a pas réussi à restaurer des liens sereins avec les parties prenantes. Les peuples PKKP accusent en effet Simon Thompson d’avoir rompu ses engagements en décidant de remplacer Ivan Vella, l’homme chargé de réparer les dommages causés par la destruction du site. D’autant qu’une autre révélation a jeté de l’huile sur le feu : avant son départ, l’ancien directeur général Jean-Sébastien Jacques avait obtenu une augmentation de salaire de 20 %.

« Il n’y a pas de perspective réaliste pour Rio de reconstruire ses relations, sa confiance et sa réputation tant que les responsables de la dégradation de sa culture et de ses performances sociales restent au conseil », a déclaré James Fitzgerald, responsable du conseil juridique et de la stratégie au Centre australasien pour la responsabilité d’entreprise, dans un communiqué.

Il y a quelques années encore, la destruction du site aborigène aurait eu quasiment aucune conséquence sur le groupe. Mais « les actionnaires institutionnels commencent à prendre conscience des responsabilités qui leur incombent en tant qu’actionnaire. Dans le passé, ils ne s’en souciaient pas. Cette époque est révolue depuis longtemps », a déclaré à Reuters David Lennox de Fat Prophets.

Marina Fabre : https://www.novethic.fr/actualite/gouvernance-dentreprise/

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