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Eau agricole : la Cour des comptes européenne remet en question les politiques de l’UE

La Cour des comptes européenne considère que la DCE (directive-cadre sur l’eau) et la PAC (politique agricole commune) ne constituent pas une incitation suffisante pour une utilisation durable de l’eau en agriculture. Pour la Commission, en revanche, le futur cadre devrait permettre d’atteindre cet équilibre.

Eau agricole : la Cour des comptes européenne remet en question les politiques de l'UE

« Les politiques de l’UE n’ont pas permis de réduire suffisamment l’impact de l’agriculture sur les ressources en eau », a pointé Joëlle Elvinger, la membre de la Cour des comptes européenne responsable du rapport « La politique agricole commune (PAC) et l’utilisation durable de l’eau dans l’agriculture ».

Lors d’un audit réalisé entre avril à décembre 2020, la Cour des comptes a analysé dans quelle mesure la directive-cadre sur l’eau (DCE) et la PAC favorisaient une utilisation durable de l’eau dans l’agriculture. Elle s’est à la fois penchée sur des documents de la Commission européenne, de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), de l’Agence européenne de l’environnement. Elle a également réalisé des contrôles documentaires dans onze États-membres ou régions européennes. Et son constat s’avère sévère pour l’agriculture.

L’objectif initial de la DCE était d’atteindre le bon état de chaque masse d’eau pour l’ensemble des États-membres en 2015. Des possibilités de report d’échéance ou d’objectifs moins stricts, sous réserve de leur justification, sont toutefois permises jusqu’en 2027.

Un grand nombre de dispenses d’autorisation pour le captage d’eau sont encore accordées aux agriculteurs dans les États membres que nous avons examinés  
Cour des comptes européenne

« Un grand nombre de dispenses d’autorisation pour le captage d’eau sont encore accordées aux agriculteurs dans les États membres que nous avons examinés (y compris dans les régions en situation de stress hydrique), regrette la Cour des comptes. Nombreux sont les États membres qui n’appliquent pas le principe de la récupération des coûts des services liés à l’utilisation de l’eau dans l’agriculture comme ils le font dans d’autres secteurs. »

Pour la Cour des comptes, ces deux points mériteraient d’être mieux justifiés par les États membres. Une remarque que la Commission européenne estime déjà avoir pris en compte. « La Commission a formulé des recommandations invitant les États membres à mieux prendre en considération, dans les troisièmes plans de gestion de district hydrographique [couvrant la période 2021-2027], la manière dont ils mettent en œuvre (…) la récupération des coûts des services liés à l’utilisation de l’eau, ainsi que toute dérogation en la matière, indique-t-elle dans sa réponse au rapport de la Cour. En outre, la Commission consulte actuellement l’ensemble des États membres pour savoir comment ces derniers appliquent les exigences de la DCE dans la pratique, en particulier l’obligation d’autorisation préalable pour le captage et l’endiguement (…), ainsi que les exemptions en la matière. »

Des aides pour des cultures gourmandes en eau

Pour la Cour des comptes, la Commission n’a que partiellement intégré l’utilisation durable de l’eau dans les mécanismes de financement de la PAC, tels que le développement rural et le soutien du marché. Elle a constaté que plusieurs États membres avaient eu recours au régime du soutien couplé facultatif, pensé pour restreindre les distorsions de la concurrence, afin de financer des cultures nécessitant de grandes quantités d’eau dans des zones en situation de stress hydrique. « Le soutien couplé facultatif (SCF) n’est pas un « programme environnemental » dans la mesure où il vise plutôt des avantages socio-économiques, a réagi la Commission européenne. Bien que le SCF n’impose pas directement aux agriculteurs d’obligations en matière d’utilisation durable de l’eau, cet aspect est traité dans le cadre de la conditionnalité, qui s’applique également aux SCF et qui inclut, entre autres, des exigences dans le domaine de l’eau et, à l’avenir, la DCE. »

Concernant la conditionnalité des aides, la Cour des comptes s’est également penchée sur la norme relative aux bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE). « Les États membres recourent relativement peu à la norme BCAE 2 pour protéger les ressources en eau, a-t-elle constaté. Aucun des États membres contrôlés n’effectue de contrôles exhaustifs du respect des exigences relevant de la norme BCAE 2. »

Si la Commission estime que cet instrument est solide, elle envisage toutefois des évolutions à l’avenir. « La future PAC établira un lien plus direct entre la DCE et la PAC en renforçant la conditionnalité à laquelle sont soumis les paiements au titre de la PAC, indique-t-elle. Elle dispose que les investissements dans l’irrigation, qui ne sont pas compatibles avec la réalisation d’un bon état des masses d’eau (…) ne sont pas admissibles au bénéfice d’une aide, y compris en ce qui concerne l’expansion de l’irrigation affectant des masses d’eau dont l’état a été défini comme étant moins que bon dans les PGDH concernés. »

La Commission ne souhaite toutefois pas étendre la conditionnalité à d’autres paiements au titre de la PAC, tels que les paiements au titre de l’organisation commune des marchés. Elle considère également inutile l’introduction de mesures de sauvegarde pour prévenir l’utilisation non durable de l’eau pour les cultures financées au moyen du soutien couplé facultatif.

Veiller au respect des règles de la future PAC

La Cour des comptes et la Commission européenne semblent néanmoins s’accorder sur la nécessaire vigilance concernant le respect des règles de la future PAC. « Lors de l’évaluation des plans stratégiques relevant de la PAC, la Commission veillera, (…) à ce que les investissements dans l’irrigation soient conformes à l’objectif de la DCE visant à obtenir un bon état des masses d’eau, assure-t-elle. En outre, la Commission évaluera si les plans stratégiques relevant de la PAC tiennent suffisamment compte de l’analyse, des objectifs et des valeurs cibles figurant dans la DCE et dans les PGDH, et s’ils apportent une contribution suffisante à ces objectifs et valeurs cibles. » Elle compte également évaluer l’impact du financement au titre du développement rural et du soutien du marché sur l’utilisation de l’eau dans le cadre de la PAC après 2020.

La Cour des comptes européenne a été instituée par le traité de Bruxelles du 22 juillet 1975 et est entrée en fonction le 18 octobre 1977. Elle a été élevée au rang d’institution de l’Union européenne, le 1ᵉʳ novembre 1993, avec l’entrée en vigueur du traité de Maastricht et son siège a été établi à Luxembourg.
Président : Klaus-Heiner Lehne (de)
Siège social : Kirchberg, Luxembourg-ville, Luxembourg

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