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Mobilité et confinement : une étude sur les ruralités

Allons-nous garder nos habitudes de déplacement adoptés lors du confinement ? Le vélo sortira-t-il comme le favori pour lutter contre la propagation du virus ? Une étude sur les mobilités en territoire rural vient d’être lancée par des chercheurs de l’Université de Grenoble. Aurore Flipo, membre de l’équipe, invite les habitants de la vallée de la Drôme à participer. Elle détaille l’objet de cette étude et les enjeux liés à la mobilité dans notre territoire.

Aurore Flipo est chercheuse en sociologie à l’université de Grenoble, dans l’unité mixte de recherches PACTE. Elle coordonne depuis mi-février un projet de recherche-action financé par l’ADEME sur la Biovallée et le sud de l’Ardèche axé sur les acteurs de la mobilité en territoire rural. Avec son équipe constituée d’un géographe et d’un anthropologue, elle a mis au point une étude « sur l’évolution des mobilités en territoire rural durant le confinement. » 

Pouvez-vous nous parler de cette recherche-action ? 

Aurore Flipo : C’est un projet de recherche qui est financé par l’ADEME (Agence de la transition écologique) dans le cadre de son appel à projet « transition écologique, économique et sociale ». Il y a plusieurs acteurs : la CCVD, la 3CPS, la CCdiois, deux communautés de communes du sud de l’Ardèche et des acteurs associatifs : Dromolib, l’ALEC (Agence locale énergie et climat en Ardèche), l’institut Negawatt et le CLER (Réseau pour la transition énergétique). Nous avons débuté le projet mi-février et le focus est fait sur les mobilités en territoire rural (dont un en Drôme et un en Ardèche). Avant le confinement, on ne s’intéressait pas directement à la mobilité des habitants mais plutôt aux acteurs.

Le confinement a-t-il bousculé cette recherche ? 

Aurore Flipo : Nous avions commencé mi-février, mais un mois plus tard, nous nous sommes retrouvés en confinement. Dans le cadre du projet, cela faisait sens de s’interroger sur le ressenti des habitants dans cette situation un peu inédite pour donner matière à penser aux acteurs. Cette recherche-action étant menée à la fois avec des acteurs publics et associatifs, le but c’est de comprendre comment la collaboration entre les différents niveaux d’acteurs, peut nous faire avancer ensemble. L’enquête est partie de la Vallée de la Drôme et de l’Ardèche, mais on ambitionne d’avoir des réponses d’autres départements. C’est une étude destinée aux habitants des territoires ruraux.

L’idée de départ, c’est que la problématique de mobilité est très différente à la campagne et en ville. Les services et les besoins ne sont pas les mêmes. Pour nous, ça ne fait pas sens de partir d’une situation urbaine pour l’appliquer au rural. C’est un peu ce qu’on a reproché à des politiques de transition vers la mobilité douce, parce qu’elles n’étaient pas adaptées au cadre rural. Notre projet porte vraiment sur les solutions à trouver dans les milieux ruraux et voir où ça peut bloquer. Mais, de fait, avec le confinement, les déplacements sont différents.

Avez-vous des « impressions » sur les premiers résultats ? 

Aurore Flipo : La question qu’on se posait c’est : « Comment on s’organise quand on ne peut pas se déplacer ? ». Il y a des choses qui apparaissent dans ce contexte-là et qu’on pourrait avoir envie de garder après, qui pourraient donner des idées sur comment réduire nos déplacements ou limiter certaines causes de déplacement après le confinement.

Ce que j’observe dans les premières réponses, c’est que les gens ont changé de mode de déplacement. Ils privilégient la marche et le vélo. D’abord, parce qu’on va moins loin, ne serait-ce que pour ses courses. Mais aussi parce qu’on a envie de marcher, de prendre l’air. La voiture reste quand même utilisée, à cause du travail notamment, mais il y a des gens qui ont découvert d’autres modes de déplacements et qui peuvent peut-être se rendre compte que c’est plus agréable, moins stressant…

Qu’en est-il des transports en commun ? 

Aurore Flipo : Les transports en commun ne sont pas prégnants dans les réponses, parce que déjà ils sont beaucoup moins utilisés dans les ruralités. Beaucoup d’analystes pensent, qu’à la levée du confinement, les transports en commun vont être boudés par les utilisateurs parce que ce sont des endroits plus « à risques ». Il y a deux théories : ceux qui disent tout le monde va se tourner vers la voiture, qui serait « plus sûre » d’un point de vue épidémiologique, et il y a ceux qui voudraient que ce soit plutôt le vélo qui soit « le gagnant ». Pour l’instant, nous ne savons pas, c’est possible que les deux tendances co-existent.

Dans l’enquête, on trouve une question sur les initiatives durant le confinement…

Aurore Flipo : Oui, ce n’est forcément lié directement à la mobilité, mais ça fait partie du système. Où est-ce qu’on fait nos courses par exemple. Ça peut peut-être permettre de faire des choses plus prêt de chez soi. Nous ne voulions pas mettre de limite, même si notre focus, c’est la mobilité.
Nous avons envie de savoir ce qui se passe, comment les gens se réorganisent, comment ils vivent ça. C’est intéressant dans le côté ressentis de savoir quels sont les déplacements qui nous sont les plus chers, ceux sur lesquels nous ne sommes pas prêts à faire des efforts parce qu’ils sont trop importants. Finalement, ce sont peut-être les déplacements liés à la vie sociale qui sont les plus importants.

Combien avez-vous de réponses pour l’instant ? 

Aurore Flipo : Pour l’instant, nous avons environ 250 réponses. C’est vrai que dans les réponses, ce que je crains, c’est de ne pas réussir à toucher tout le monde. Notamment les gens qui continuent à mener une vie plus ou moins « normale », à cause du travail, etc. Il y a une vraie hétérogénéité dans les situations de chacun.

Propos recueillis par Elodie Potente du Bec

Participez à l’étude :

En cette période de confinement, la réduction importante de nos déplacements génère des ajustements, des changements et des innovations. Dans ce contexte, l’Université Grenoble Alpes (UMR PACTE) et l’ENTPE (LAET) mènent actuellement une enquête sur l’évolution des mobilités en territoire rural. 

Nous vous invitons à répondre en cliquant sur le lien ci-dessous :

https://enquetes.univ-grenoble-alpes.fr/v4/s/2bkny9/sphinxaspxid

Les quelques semaines de confinement que nous sommes en train de vivre nous confrontent à de profondes mutations. Habitants des campagnes, nos pratiques et nos quotidiens ne semblent pas bouleversés de la même manière qu’en ville. En particulier, le temps du confinement bouscule nos habitudes quotidiennes en termes de déplacements, de liens sociaux, de consommation, d’activités et de travail. Pour réfléchir collectivement à cela, cette enquête en ligne engagée par des sociologues et des géographes de l’Université Grenoble Alpes et du CNRS (UMR PACTE) et de l’ENTPE (LAET) vous permet de partager votre vécu, les évolutions que vous observez et votre manière d’envisager la suite. L’ambition finale sera de contribuer au débat qui ne manquera pas d’avoir lieu sur la manière d’habiter demain les territoires ruraux.

Le contenu est entièrement anonyme et exclusivement destiné à des fins de recherche. Le questionnaire est diffusé aux habitants des territoires ruraux jusqu’au 11 mai 2020. Les résultats seront valorisés dans le cadre d’une mission de recherche publique (programme de recherche, articles scientifiques). La proposition qui est faite est de vous informer très rapidement des résultats et de partager si vous le souhaitez votre propre analyse de ceux-ci. Il vous sera pour cela proposé de laisser à la fin une adresse mail de contact (non obligatoire).

Pour contacter les auteurs de l’étude : evomobilite@gmail.com

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