Nous, élus de villes et de métropoles, avons pris l’engagement en juin devant les électeurs et les électrices de remettre l’agriculture au cœur de nos territoires, afin de répondre aux besoins d’approvisionnement local et de qualité. C’est une préoccupation croissante des mangeurs, mais pas seulement. Savoir ce que l’on produit, pour quoi et pour qui, n’est pas une question superflue pour celles et ceux qui travaillent la terre. C’est la clef pour que de nouvelles générations embrassent cette vocation.

Mardi 20 octobre, le Parlement européen adopte son projet de politique agricole commune (PAC). C’est un événement crucial pour nos villes et les cinq cents millions d’Européens des villes et des campagnes. Car il est question ici du principal levier politique et financier pour relocaliser notre alimentation, la rendre plus durable, et permettre aux agriculteurs d’en vivre dignement. A condition que le Parlement amende en ce sens le projet actuellement sur la table, qui restera en vigueur jusqu’en 2030.

Créée il y a bientôt soixante ans pour subvenir aux besoins alimentaires des Européens, la PAC est désormais organisée pour favoriser l’exportation et l’occupation de parts de marché. Au nom de l’efficacité, elle encourage le passage à une agriculture intensive, l’usage d’intrants, pesticides et engrais chimiques. Elle provoque la chute du nombre d’agriculteurs. Et participe au déclin des populations d’insectes et des oiseaux des champs.

Diktat de la spécialisation

Qui peut admettre que l’on dépende de la production de soja du Brésil pour nourrir des bêtes en Europe, au prix de la déforestation imposée par Jair Bolsonaro ? Qui peut admettre que l’on dépende tant d’engrais chimiques, pour la plupart importés ? Qui peut supporter le mal-être qui frappe tant d’agriculteurs ?

Il y a urgence. Sans changement d’envergure, notre modèle agricole continuera de contribuer au changement climatique, à l’épuisement des ressources et des sols, à la pollution des écosystèmes et à l’effondrement de la biodiversité.

Sans changement radical, des milliers d’agriculteurs continueront de mettre la clef sous la porte, par manque de revenu digne de ce nom, et les jeunes générations continueront de se détourner de ce métier. Producteurs, consommateurs, distributeurs et élus : le temps est venu de bâtir ensemble la souveraineté alimentaire résiliente dont la France et l’Europe ont besoin !

Sachons nous émanciper du diktat de la spécialisation. Notre bonne santé repose sur des régimes alimentaires diversifiés, l’autonomie des agriculteurs sur des productions multiples, la santé des écosystèmes sur la diversité des espèces. Émancipons-nous de la compétition. Osons lui préférer la coopération induite par les circuits courts entre producteurs, mais aussi entre producteurs et consommateurs.

La mise en place d’une agriculture résiliente, souveraine, respectueuse de la santé humaine et environnementale, est à portée de main

Hélas, les projets actuellement sur la table vont à l’encontre de ces propositions vertueuses pour les paysans, les consommateurs et l’Europe. La Commission entend laisser les Etats libres de faire ce que bon leur semble. Au Conseil, où siège la France par la voix de son ministre de l’agriculture, lesdits Etats visent à repousser à plus tard le tournant écologique de l’agriculture européenne. Ils vont ainsi à l’encontre de nos engagements de campagne municipale en faveur d’une alimentation locale de qualité dans nos territoires.

Notre alimentation n’est pas un flux comme les autres. C’est un commun, qu’il nous faut désormais gouverner ensemble. C’est pourquoi nous comptons sur les parlementaires européens pour s’opposer aux Etats, en mettant la prochaine PAC au service du climat, de la biodiversité et du bien-être de tous les Européens.

Nous comptons sur vous, pour donner à nos territoires les moyens de structurer les débouchés, impliquer les paysans, les personnels de cuisine et les distributeurs, afin que notre politique d’alimentation soit conforme aux attentes des habitants de nos villes. Nous comptons sur vous, pour que chaque citoyen puisse manger demain des produits sans pesticides, cultivés à côté de chez nous par des agriculteurs épanouis et reconnus dans leur travail nourricier.

Les 350 milliards d’euros de notre politique agricole commune pour les sept prochaines années ne peuvent pas suivre la voie du « business as usual ». Mettons cet argent public, puissant levier de l’accompagnement de la transition, au service des citoyennes et citoyens. Pour l’Europe, la mise en place d’une agriculture résiliente, souveraine, respectueuse de la santé humaine et environnementale, est à portée de main.