Sélectionner une page

« L’adhésion aux différentes théories du complot est un trait caractéristique des “antimasque’’ »

Alors que, depuis plusieurs semaines, les cas de contamination au Covid-19 sont en augmentation et que la crainte d’une seconde vague épidémique est plus actuelle que jamais, de nombreux gouvernements ont renforcé les mesures obligeant au port du masque. En l’absence de traitements efficaces et dans l’attente d’un vaccin encore hypothétique, le port du masque semble être le meilleur moyen de freiner la propagation de l’épidémie.

Pourtant, cette mesure est loin de faire l’unanimité. En témoigne, par exemple, le fait que 20 000 personnes ont manifesté à Berlin, le 1er août, pour protester contre cette obligation. En France, si 64 % des citoyens souhaitent bel et bien que le port du masque soit obligatoire même dans les lieux publics ouverts, indiquait un sondage IFOP publié le 9 août par Le Journal du dimanche, il n’en demeure pas moins qu’une riposte des antimasque s’organise. Sur Facebook, de nombreux groupes se sont créés afin de revendiquer leur refus du port du masque.

Mais qui sont ces individus et pourquoi refusent-ils une telle mesure de santé publique ? C’est à cette question que nous répondons à partir d’une enquête menée par questionnaire auprès de plus de 800 individus, membres de groupes Facebook antimasque. Majoritairement féminins (60 %), ils ont, en moyenne, une cinquantaine d’années et un niveau d’éducation assez élevé (bac + 2). En cela, ils ressemblent assez fortement aux soutiens du professeur Raoult s’étant manifestés sur les réseaux sociaux au printemps.

Cette proximité entre les antimasque et les soutiens de Didier Raoult se retrouve lorsque l’on demande aux premiers d’exprimer leur opinion concernant le chercheur marseillais : plus de 80 % d’entre eux en ont une bonne opinion. D’ailleurs, ils ne sont pas moins de 95 % à estimer qu’une personne contaminée par le Covid-19 devrait être libre de décider si elle veut ou non être traitée à l’hydroxychloroquine, le traitement-phare recommandé par Didier Raoult.

Tentation populiste

La mise en avant de la liberté individuelle est le premier élément expliquant largement le refus de porter le masque. Les contraintes, en particulier lorsqu’elles émanent de l’Etat, sont massivement rejetées par les personnes de notre échantillon : 92 % des individus interrogés considèrent que le gouvernement s’immisce trop dans notre vie quotidienne et 57 % d’entre eux se disent d’accord avec l’idée que, d’une manière générale, chacun devrait être libre de faire ce qu’il veut face au risque sanitaire. Le masque ne serait ainsi que la nouvelle « muselière » imposée par les gouvernements, selon l’expression fréquemment utilisée par les antimasque.

Chez ces derniers, la défiance envers les institutions dont émanent ces contraintes est exacerbée et nourrit la mobilisation. Plus de 9 personnes interrogées sur 10 n’ont ainsi confiance ni dans les partis politiques ni dans l’institution présidentielle. En 2017, pas moins de 40 % des antimasque interrogés n’ont d’ailleurs pas voté au premier tour de l’élection présidentielle. Chez ceux qui se sont exprimés, les deux candidats « antisystème », Marine le Pen (27 %) et Jean-Luc Mélenchon (19 %), sont arrivés en premier dans leurs choix.

Ce rejet des partis politiques classiques et des institutions conduit ces individus à adopter des attitudes populistes, privilégiant le pouvoir direct du peuple au détriment de celui des élites politiques. Ainsi, 84 % des antimasque s’accordent à dire que c’est le peuple, et non les responsables politiques, qui devrait prendre les décisions les plus importantes, soit près de 30 points de plus que ce que l’on observe dans le reste de la population – selon différents sondages d’opinion sur des échantillons représentatifs de l’ensemble de la population, notamment le Baromètre 2020 de la confiance politique du Cevipof.

Pas de masque, pas de vaccin

Si la communication fluctuante du gouvernement concernant les masques, d’abord déconseillés au début de la crise sanitaire, puis fermement recommandés, voire, dans certains cas, rendus obligatoires, n’a pu que renforcer la défiance, le refus du masque a des racines plus profondes. L’adhésion aux différentes théories du complot en est un trait caractéristique : 52 % des individus interrogés croient par exemple en l’existence d’un « complot sioniste » à l’échelle mondiale, contre « seulement » 22 % des Français, et 56 % adhèrent à la théorie du « grand remplacement », soit plus du double de ce que l’on constate au sein de la population française.

Lorsqu’on leur demande d’expliquer les raisons de leur refus du masque, beaucoup justifient leur décision en avançant que l’épidémie de Covid-19 serait terminée, voire qu’elle n’aurait jamais existé, et que les différents gouvernements mentiraient en voulant nous faire croire le contraire.

La crise sanitaire met en pleine lumière les fragilités de nos démocraties. Si, en temps normal, nos institutions peuvent fonctionner malgré un niveau de défiance extrêmement important, elles peuvent en pâtir beaucoup plus gravement dans les périodes de crise, où les mesures exceptionnelles qui sont prises nécessitent une large approbation de la population.

Sans traitement en profondeur des causes de ce manque de confiance dans les institutions, il est probable que d’autres épisodes de cette nature se présenteront. Et le prochain est peut-être plus proche qu’on ne le pense : 94 % des antimasque interrogés disent qu’ils refuseront de se faire vacciner contre le Covid-19 le jour où un vaccin sera disponible.

Antoine Bristielle est professeur agrégé de sciences sociales, doctorant en science politique, Sciences Po Grenoble, laboratoire Pacte. (Chercheur)

Berlin: La manifestation « anticorona-antimasques » dispersée…

Plus de 18.000 personnes étaient rassemblées ce 29 août dans la capitale allemande pour protester contre le port du masque et les gestes barrière pour se protéger du coronavirus.

ALLEMAGNE – La police berlinoise a interrompu ce samedi 29 août la manifestation d’opposants au port du masque et aux mesures de restriction contre la pandémie de Covid-19, faute de respect des gestes barrière par les quelque 18.000 participants.

“La distanciation minimum n’est pas respectée (…) malgré les demandes répétées” des forces de l’ordre, a indiqué la police, “c’est pourquoi il n’y a pas d’autre possibilité que de dissoudre le rassemblement”. À peine entamé, le cortège parti vers 9 heures de l’emblématique Porte de Brandebourg avait dû faire halte sur l’injonction de la police.

Après l’annonce de la dispersion en début d’après-midi, les manifestants, dont beaucoup étaient assis sur la route, sont restés sur place et ont crié “résistance!”, puis “nous sommes le peuple!”, un slogan employé par l’extrême droite, et entamé l’hymne national allemand.

Intitulé “fête de la liberté et de la paix”, l’événement, qui rassemble “libres penseurs”, militants antivaccins, conspirationnistes ou encore sympathisants d’extrême droite, constitue le second du genre en un mois et inquiète les autorités.

Les drapeaux de l’Allemagne et des nazis se côtoient, les manifestants ont aussi à plusieurs reprises crié “Merkel doit partir!”, le mot d’ordre du parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne.

Une contestation négationniste

“Je ne suis pas un sympathisant d’extrême droite, je suis ici pour défendre nos libertés fondamentales”, indique à L’AFP Stefan, Berlinois de 43 ans, crâne rasé, portant un T-shirt gris avec écrit en majuscules blanches: “Penser, ça aide!”.

Une précédente manifestation du même type avait déjà réuni le 1er août quelque 20.000 personnes appartenant majoritairement à la sphère d’extrême droite. Elle avait elle aussi été interrompue par la police pour les mêmes raisons que samedi.

La municipalité de la capitale allemande a d’abord interdit mercredi la manifestation pour “raison de santé publique”: l’impossibilité à ses yeux de faire respecter les distances d’au moins 1,5 mètre entre manifestants. Mais le tribunal administratif, saisi en référé par les organisateurs, leur a finalement donné raison vendredi, à condition que la distance minimale de 1,5 m soit bien respectée entre manifestants.

Ce nouveau rassemblement intervient dans un contexte de grogne croissante dans l’opinion allemande à l’égard des restrictions liées à la pandémie. Et ce même si l’Allemagne a plutôt mieux résisté que ses voisins, et que les restrictions pour lutter contre le nouveau coronavirus n’ont jamais été aussi strictes qu’en France ou en Italie par exemple.

Une mouvance extrémiste et complotiste des Droites extrêmes… et quelques extrémistes de gauche !

L’initiateur de la manifestation, Michael Ballweg, un entrepreneur en informatique sans étiquette politique à la tête du mouvement “Penseurs non-conformistes-711” apparu à Stuttgart, avait décrit la tentative d’interdiction comme une “attaque contre la constitution” allemande défendant le droit d’expression.

Ses partisans s’insurgent contre la “dictature” des mesures autour du nouveau coronavirus, ressenties comme une entrave à leur liberté. Ils exigent la chute du gouvernement d’Angela Merkel et de nouvelles élections en octobre 2020, soit un an avant la date prévue.

Plusieurs organisations de gauche avaient quant à elles appelé à des contre-manifestations. Samedi, “il sera important que nous montrions qu’il ne peut y avoir de tolérance pour les racistes, les antisémites, les extrémistes de droite et les nazis”, a asséné Anne Helm, dirigeante de la section berlinoise du parti de gauche radicale Die Linke.

Comme de nombreux pays européens, l’Allemagne est confrontée ces dernières semaines à une reprise de la pandémie, avec en moyenne quelque 1500 nouveaux cas déclarés chaque jour. Samedi, l’institut de veille sanitaire RKI a fait état de 1479 nouvelles infections en 24 heures.

La chancelière Angela Merkel a indiqué vendredi s’attendre à une évolution de la pandémie “encore plus difficile” dans les prochains mois. Cette dégradation ces derniers jours, en partie imputée au retour de vacances, a poussé les autorités à prendre de nouvelles mesures de restriction comme la limitation des rassemblements privés ou la mise en place d’amendes pour non-port du masque, là où il est obligatoire.

P.B.

1 Commentaire

  1. Avatar

    Le sous entendu permanent de cet article est que les gens qui refusent de porter le masque sont des complotistes.

    C est vrai qu il est plus facile de réfuter les arguments contradictoires avec quelques lieus communs.

    Article d une paresse et d une arrogance digne des grands medias, felicitations.

    Réponse

Poster le commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *