Le monde d’après a besoin des associations
L’ouvrage collectif « Quel monde associatif pour demain ? » analyse les raisons de la fragilisation récente de l’écosystème des associations, et propose des pistes pour lui redonner une bonne place dans l’espace public.
Livre. Après la crise de 2008, un « monde de demain » était sur toutes les lèvres, avec l’idée que rien ne pourrait plus être comme avant, que la dictature du marché et de la finance devait prendre fin. Malheureusement, ce sont des politiques d’austérité qui ont suivi ces incantations, accentuant les inégalités sociales et ouvrant la voie à des thèses populistes décomplexées.
Une relance massive pour regagner des points de croissance ne peut constituer une réponse satisfaisante à une situation dont les effets se sont fait sentir bien avant l’irruption de la pandémie de Covid-19 au début de l’année 2020. « Afin d’éviter de perpétuer des schémas trop connus, un changement de grille de lecture de la bonne santé d’une société s’impose. Dans ce projet tant structurel que culturel, le monde associatif peut être force de proposition et affirmer sa spécificité », lit-on dans Quel monde associatif demain ?, sous la direction de Patricia Coler, Marie-Catherine Henry, Jean-Louis Laville et Gilles Rouby.
L’ouvrage, issu d’une recherche participative croisant les réflexions entre chercheurs et acteurs associatifs de divers secteurs, propose un ensemble d’analyses pour penser l’avenir du monde associatif. Les textes sont articulés autour de deux scénarios, l’un menant à l’affaiblissement de ce milieu et l’autre à son renforcement.
Une gestion de l’urgence
Les textes s’inscrivent dans le moment particulier de la crise liée à la pandémie, qui a une fois de plus mis en évidence la capacité d’invention des associations pour organiser la solidarité, pallier les défaillances et les limites de l’action des institutions publiques.
Mais dans cette crise les associations ont été cantonnées à un rôle de gestion de l’urgence : la réflexivité et l’agilité dont elles ont fait preuve dans les domaines de l’aide alimentaire, du service à la personne et de tant d’autres « n’ont fait l’objet ni d’une véritable reconnaissance ni d’une grande médiatisation alors que les manifestations d’une solidarité relevant davantage de la philanthropie émanant de diverses grandes entreprises figuraient en bonne place dans les médias ».
Le plan de relance de 100 milliards d’euros annoncé par le gouvernement en septembre 2020 a oublié les associations. « Comme si leur action allait de soi, comme si elles n’étaient que l’expression d’une solidarité éphémère sans pouvoir elles-mêmes prétendre à faire partie du grand concert national. »
Faire face à l’avènement du social business
Pour affirmer le message transformateur porté par l’économie sociale et solidaire (ESS) et retrouver une capacité de résistance et d’offensive, disent les auteurs, il faut dépasser les analyses surplombantes qui accusent les acteurs de faire le jeu du désengagement de l’Etat par aveuglement et excès de naïveté.
Il faut également faire face à l’avènement du social business, se référant à l’entreprise privée et se revendiquant comme une nouvelle forme de capitalisme à but social ; non seulement ses promesses ne se vérifient pas, mais son apparition et la séduction qu’il opère sur les institutions publiques ont contribué à invisibiliser des pratiques associatives, certes pour la plupart modestes mais ancrées dans la réalité des citoyens.
« Ce qui est induit dans cette moralisation du capitalisme, c’est une dépolitisation de la question sociale limitant l’action à la circonscription de la pauvreté plutôt qu’à la suppression des inégalités, une entreprise de sauvetage des pauvres par les mécanismes inchangés du capitalisme. » Si la fragilisation et la précarisation croissante des associations sont à analyser, c’est que leur compréhension aide à combattre « la perspective de leur inéluctable normalisation et à identifier une bifurcation vers ce que nous pouvons appeler un associationnisme du XXIe siècle. »
Quel monde associatif demain ?, sous la direction de Patricia Coler, Marie-Catherine Henry, Jean-Louis Laville et Gilles Rouby. Erès, 192 pages, 13 euros.