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Pour une transition 2050 vraiment durable

La récente publication des quatre scénarios de l’ADME, « Transition 2050 », présente un grand intérêt quant à la société, au mode de vie que nous voulons. En dégageant deux tendances antagonistes, j’ai souhaité mettre en évidence les fondamentaux du choix qui s’offre par conséquent à nous. Mais tout d’abord je souhaite faire quatre remarques :

  1. C’est un travail réalisé par un organisme qui émane de l’Etat, celui-là même qui est condamné pour inaction climatique. Pour nous qui militons pour un nouveau « récit » humaniste, universaliste, convivialiste… nous référer à ces scénarios constitue une base plutôt objective.
  2. Les experts de l’ADEME accordent autant de crédit à quatre scénarios très différents. Face à la croissance verte et la technologie, le choix de la sobriété est tout autant pris au sérieux.
  3. En découle une question fondamentale noyée dans la cacophonie médiatique, celle du choix de nos valeurs, du choix de société qu’il est urgent d’exprimer.
  4. La confrontation entre ces deux grandes tendances, c’est l’affrontement entre deux visions celle de deux camps. Le premier, puissant aujourd’hui, a des intérêts importants à défendre. Il cherche naturellement à nous imposer l’idée qu’ « il n’y a pas d’autre solution ». Ce camp est par conséquent suspect. Le second, faible et désorganisé aujourd’hui, n’a pas d’intérêts, lui, à défendre hormis celui d’un « mieux-être général ». Objectif, libre et courageux, il est donc crédible. N’est-il pas temps d’y penser, de le dire, de le répéter et de s’y référer explicitement ?

Bref, nous voici en présence de deux grandes orientations opposées : le « technologisme » contre la « sobriété », ou plutôt, pour le Laboratoire de la Transition, la « sobriéthique » en ce sens qu’elle implique une sorte d’altruisme propice à l’individuation en opposition au matérialisme individualiste du « technologisme ».

Les tenants du « technologisme » auront beau jeu de mettre en avant l’efficacité remarquable de leur modèle. Oui, mais surtout au service du matérialisme qu’ils défendent. Et jusqu’où sera-ce possible ? Car il est bien possible que cette « logique » recèle en elle-même ses propres limites et menaces.

  • D’une part celle des limites physiques de la planète, en particulier celle des « métaux rares » dont l’extraction à grande échelle liée au numérique finira probablement par être fatale du fait des dégâts en chaîne pour l’environnement.
  • De seconde part, les limites liées aux dégâts du fait des inégalités sociales qui devraient continuer de croitre jusqu’à l’insoutenable, y compris pour les mieux nantis.
  • Enfin la terrifiante menace du transhumanisme ou du machinisme totalitaire à la chinoise inhérente à la logique technologiste et son bras armé le capitalisme de surveillance.

Cette importante question, le journaliste Guillaume Pitron l’a développée dans son dernier ouvrage, « l’enfer numérique ». Il me semble que l’ADEME n’a pas apprécié ces limites et menaces à leur juste mesure.

Pour autant, gardons-nous d’une approche simpliste, binaire ou manichéenne. Car la science et la technologie ont leur vertu si elles sont utilisées à bon escient et non pour le futile et le malsain. Ainsi en va-t-il pour la santé, la culture, la vie sociale… Reste à concevoir des arbitrages raisonnables ! En ce sens il faudra sans doute imaginer des « hybridations » compatibles avec l’orientation qui devrait être choisie démocratiquement, tant en France que dans la plupart des pays européens.

C’est donc en tenant compte de ce qui précède que j’assume de mettre en « vis-à-vis » les deux grandes tendances avant tout antagonistes mais parfois complémentaires qui émanent de l’excellent travail de l’ADEME :

En cette période de campagne présidentielle commençante, je m’étonne et surtout je déplore la pauvreté désertique de la pensée sur les questions existentielles que je viens d’évoquer. Elles mériteraient pourtant une très large pédagogie « populaire » incluant les classes moyennes supérieures.

Jean-Louis Virat

Président du Laboratoire de la Transition

PS 1 : la revue Que Choisir, N°609 janvier 2022, publie un article confortant sur la sobriété énergétique, citant d’ailleurs à cette occasion RTE filiale d’EDF : « la sobriété est un facteur important de réduction des coûts du système énergétique » !

PS 2 : Individuation, empathie, respect de l’autre, art de vivre ensemble… voir en ce sens Boris Cyrulnik (France Info 3/3/21)

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