Sélectionner une page

« Futurs énergétiques 2050 »… Quelle est cette grande étude que publie RTE ce lundi ?

Du 100 % renouvelable ou avec de l’atome ? De quoi sera faite la production électrique française en 2050 ? C’est la question-clé de l’étude « Futurs énergétiques 2050 » que dévoile lundi RTE, gestionnaire du réseau électrique

 
Illustration d'un réseau électrique, ici près de Rennes, en Ille-et-Vilaine.
Illustration d’un réseau électrique, ici près de Rennes, en Ille-et-Vilaine.
  • Lundi matin, Réseau de transport d’électricité (RTE) publie les conclusions de « Futurs énergétiques 2050 », étude prospective sur l’avenir de notre système électrique. Un système que l’objectif de neutralité carbone que s’est fixé la France invite à transformer.
  • Pour ce travail, lancé il y a plus de deux ans et pour lequel RTE a concerté un grand nombre d’acteurs, six scénarios de mix électriques techniquement possibles pour 2050 ont été élaborés. Dont trois qui tendent vers le 100 % renouvelables.
  • Une nouvelle preuve, pour les associations de promotion de la transition énergétique, que celle-ci est possible. Reste à savoir si ce sera l’option choisie par le gouvernement. Ces ONG ont de gros doutes.

 

C’est un rapport très attendu. Y compris par le gouvernement et Emmanuel Macron, qui l’ont mentionné à plusieurs reprises ces dernières semaines comme devant déterminer des décisions importantes pour l’avenir énergétique du pays.

Lundi matin, RTE, gestionnaire du réseau de transport électrique français, publie les premières conclusions de son étude « Futurs énergétiques 2050 ». L’aboutissement de deux ans et demi de travail au cours desquels RTE a étudié les évolutions possibles de notre système de production électrique * pour les trente années à venir. Période cruciale alors que la France s’est fixé l’objectif de la neutralité carbone en 2050, qui implique une profonde transition énergétique.

A quelle consommation d’électricité faut-il s’attendre en 2050 ? Peut-on se reposer uniquement sur les énergies renouvelables (ENR) pour y répondre ? Quelles places possibles encore pour le nucléaire ? Voilà les questions au cœur de « Futurs énergétiques 2050 ». 20 Minutes vous propose d’en faire le tour.

En quoi ce rapport est-il inédit ?

C’est dans les missions légales de RTE de réaliser régulièrement des bilans prévisionnels, à court terme, sur la consommation et la production électrique française pour éclairer les décisions du gouvernement. « L’objectif de neutralité carbone donne une tout autre importance à cette mission, explique Yves Marignac, chef du pôle énergies nucléaires et fossiles de l’Institut négaWatt, association d’experts de l’énergie. Il ne suffit plus de planifier la poursuite de notre système électrique mais de réfléchir à sa transformation et à des horizons plus lointains. » Du prévisionnel, on passe à la prospection. « C’est-à-dire à l’élaboration d’hypothèses dont il faut questionner toutes les implications », reprend Yves Marignac. Un exercice bien plus sensible « car au cœur de choix politiques qu’on ne peut plus reculer, ne serait-ce parce que le parc nucléaire existant arrive en fin de vie », rappelle le directeur de l’association CLER-Réseau pour la transition énergétique.

RTE n’a pas travaillé dans son coin pour cette étude. Mi-2019, l’entreprise a lancé une concertation d’une centaine d’organismes et institutions, organisée en neuf groupes de travail thématiques. Ce travail a accouché de six scénarios possibles de mix de production électrique pour 2050, et de trois hypothèses de variation de la consommation d’électricité. Ils ont ensuite été soumis à une consultation publique entre janvier et juin dernier. Elle a recueilli 4.000 contributions.

Quels sont les six scénarios retenus par RTE ?

« Les six scénarios ont tous pour point commun de se fixer le but d’atteindre la neutralité carbone en 2050 », précise déjà Zélie Victor, responsable « Transition énergétique » au Réseau Action Climat, fédération d’ONG climatiques. En clair : que la production d’électricité en France ne soit plus source d’émissions de gaz à effet de serre à cette date. C’est sur la façon d’atteindre ce cap que les scénarios diffèrent. Trois font le pari de l’atteindre avec un mix de production tendant vers le 100 % renouvelables. En reposant donc essentiellement sur l’énergie solaire et éolienne (terrestre et en mer). Le scénario M0 prévoit même une sortie complète du nucléaire en 2050, quand aucune nouvelle installation nucléaire n’est prévue dans les deux autres **.

Les trois scénarios de la famille
Les trois scénarios de la famille – / Infographie RTE

Les trois autres scénarios constituent la famille N… comme nucléaire. S’ils misent sur une montée en puissance des renouvelables d’ici à 2050, ils prévoient également tous de l’associer à l’atome en investissant dans de nouvelles installations. Le N03 repose même sur un mix 50 % ENR – 50 % nucléaire en 2050, avec la construction de 14 nouveaux EPR et quelques SMR, ces petits réacteurs modulaires évoqués récemment par Emmanuel Macron dans son plan France 2030. Le N1, qui prévoit le moins d’installations, envisage huit nouveaux EPR en 2050.

RTE a déjà détaillé ses six scénarios dans un rapport publié début juin. « Ils sont tous techniquement possibles, mais il reste à évaluer les conséquences techniques, économiques, d’acceptabilité sociale, environnemental de ces six trajectoires, explique Jean-Baptiste Lebrun. C’est cette évaluation socio-économique qui commencera à être publiée ce lundi. »

Le 100 % renouvelable possible donc en France en 2050 ?

C’est bien sur ce point qu’insistent les associations de la transition énergétique, en rappelant que trois des six scénarios possibles reposent sur un mix 100 % renouvelables. « Ce n’est pas la première fois que des rapports mettent en évidence la faisabilité technique d’un avenir 100 % renouvelables », rappelle Zélie Victor, en renvoyant vers les travaux de l’Ademe de 2015, ceux de trois économistes du Centre international de recherche sur l’environnement et le développement (CIRED), ou encore le rapport de RTE et de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) de janvier dernier.

Mais la question de la neutralité carbone ne se résume pas au fait de reposer sur un mix 100 % renouvelable en 2050. « La maîtrise que l’on fera de la demande d’électricité d’ici à 2050 est tout aussi capitale », insiste Yves Marignac. Un enjeu trop peu pris en compte dans Futurs énergétiques 2050 ? Au-delà des six scénarios, l’étude a aussi déterminé des trajectoires d’évolution de la demande d’électricité. Pour rappel, en 2020, la consommation française s’établissait à 460 terawatt-heure (Thw)***. « L’hypothèse basse retenue par RTE – dite de sobriété – anticipe une demande de 550 Twh en 2050, poursuit Yves Marignac. C’est relativement proche des estimations que nous faisons dans nos scénarios. Mais pour RTE, cette hypothèse est présentée comme une variante, quand sa trajectoire centrale, celle qu’elle devrait mettre en avant lundi, prévoit une demande à 650 Twh en 2050. » Une présentation qui ne plaît guère à négaWatt. « Elle donne l’impression que la sobriété et la recherche d’efficacité énergétique passe au second plan, n’est qu’une variante, alors que ce doit être le pilier principal pour atteindre la neutralité carbone. » « L’option sans regret, la qualifie Zélie Victor. Parce qu’on peut l’engager dès à présent, en accélérant bien plus qu’on ne le fait à ce jour sur la rénovation énergétique de nos bâtiments. »

Les trois scénarios de la famille N de RTE qui prévoient de nouvelles installations nucléaires d'ici 2050.
Les trois scénarios de la famille N de RTE qui prévoient de nouvelles installations nucléaires d’ici 2050. – / Infographie RTE

Le futur mix électrique 2050, une affaire déjà conclue ?

Cette hiérarchisation des hypothèses de consommation – entre la principale et la variante – est lourde d’enjeu pour Yves Marignac : « Plus vous anticipez une croissante forte de la demande d’électricité et moins il devient facile de se passer du nucléaire », résume-t-il.

Le RAC et le Cler aussi se posent la question de savoir si le futur mix électrique français n’est pas déjà une affaire conclue aux yeux du gouvernement. Jean-Baptiste Lebrun en veut pour preuve « les interventions répétées de ministres, ces derniers mois, pour préparer le terrain à de nouveaux investissements dans le nucléaire. » Celle par exemple de Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, le 7 octobre, en présentant de nouvelles mesures pour un développement responsable de l’éolien. Elle invitait alors à ne pas opposer nucléaire et ENR, estimant qu’on aura besoin des deux dans les décennies à venir.. Elle n’écartait pas non plus la décision de construire de nouveaux réacteurs nucléaires.

En mai, EDF avait remis au gouvernement un dossier sur la possible construction de six nouveaux EPR, dans les quinze prochaines années. « Il y a une pression très forte du lobby nucléaire en ce sens, estime Jean-Baptiste Lebrun. Le gouvernement avait toujours dit qu’il ne prendrait pas une telle décision avant la mise en service de l’EPR de Flamanville [pas avant l’été prochain au mieux]. Il devrait finalement le faire bien avant ». Même avant Noël,selon Le Figaro.

Fabrice Pouliquen sur 20minutes

* Notre mix de production électrique repose à ce jour sur 67,1 % de nucléaire, 13 % d’hydraulique, 7,9 % pour l’éolien, 2,5 % pour le solaire, 7,5 % pour le thermique…

** Ces trois scénarios qui tendent vers le 100 % renouvelables se distinguent aussi les uns des autres en prévoyant des montées en puissance différentes du solaire et de l’éolien. Le M0 et le M1 prévoient par exemple un fort développement du solaire d’ici à 2050.  « Ils diffèrent aussi sur la répartition de ces nouvelles installations, complète Zélie Victor. Autrement dit : de façon diffuse sur le territoire ou en grand parc ? »

*** En baisse de 3,5 % par rapport à 2019 du fait de la crise sanitaire.

Poster le commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *